L'enfant du cimetière. Pierre Brulhet.

Publié le par JP




Pierre Brulhet est un homme attachant. Il est l’auteur de deux opuscules, un que j’ai lu et dont je ne vous parlerai pas et un autre que je n’ai pas lu et dont je vous parlerai en détail… meuh non. Soyez logique que diable !

Ou bien suivez.

Pierre était mon voisin de table au festival de l’Ecrit de la fée (eh oui, encore ! Rassurez-vous, je vais bientôt avoir épuisé le sujet (encore un ou deux articles tout de même)). D’allure intemporelle, je le présenterai volontiers sous l’étiquette générique de " romantique " (bien plus que gothique, cercle au sein duquel il dispose pourtant d’une certaine aura pour ne pas dire plus). Le cheveu long, la moustache fine, le regard clair perdu dans le vague... Ses ouvrages sont à son image, tendres et cruels. Intemporels. En un mot, " romantiques ". Mais pas de ce romantisme crasse dont abusent certains proseurs en mal d’inspiration. Non, un romantisme noir, décalé, en un mot… gothique. Et voilà, la boucle est ainsi bouclée (mais il faut dire que mon explication est on ne peut plus limpide (je n’en reviens pas moi-même, quel talent tout de même ! Ah, ce que je peux m’admirer…)).

 

L’ouvrage dont je vais vous entretenir à présent s’intitule donc " L’enfant du cimetière ", à ne surtout pas confondre avec " L’enfant des cimetières " de Sire Cédric ou " L’étrange vie de Nobody Owens " de Neil Gaiman dont nous aurons l’occasion de reparler en long, en large et peut-être même en travers bien que cette position n’aide guère à la réflexion et pousse les mortels que nous sommes aux pires extrémités qui soient, la chute n’étant pas la pire.

 

L’histoire en quelques mots : Yoann est abandonné, tout bébé, dans un cimetière. Là, il rencontre le fossoyeur, puis le fleuriste, en fait, tous les habitants trépassés de ce jardin des allongés (que l’on devine britannique par bien des aspects mais ce n’est là qu’une impression). Les maires du lieu – et oui, ils sont deux – font procéder à un vote à l’issue duquel Yoann est autorisé à rester. Il sera confié à la garde de l’un des gisants et grandira entre les stèles, monuments et autres sarcophages de toutes espèces. Seul être " vivant " parmi les morts, sa vie est bouleversée le jour où des travaux d’extension sont programmés dans le cimetière. On le découvre alors, on le repère. On le place bien vite en institution. Pour son bien, dit-on. Bref, on le sort de sa misère tant psychique que matérielle. Mais le sauve-t-on pour autant ? Là est toute la question.


Conte bien plus que roman, " L’enfant du cimetière " aborde, vous l’aurez compris, de nombreux thèmes parmi lesquels celui de l’enfance, de la différence, du droit à la différence, du bonheur que certains entendent imposer à d’autres, contre leur volonté, selon leurs propres critères. Succession d’événements plus ou moins cocasses conduisant à une conclusion tendre et " romantique ", ce livre se lit avec plaisir. Le style, très accessible, en fait un roman que l’on peut conseiller à un jeune public (vous savez, ces trucs qui traînent les pieds en mâchouillant une mèche de cheveux, l’air absent, tendance no future ma chère. Ça les changera des SMS ! Et puis, pendant ce temps-là, au moins, ils ne se drogueront pas).


Quant à moi, je n’en dirai pas plus (sauf sous la torture car je n’ai aucune volonté et bien trop peur de la souffrance physique). Enfin si, une dernière chose tout de même : comme vous pouvez vous en douter, je ne vais pas achever cette présentation sans une bonne vieille interview façon décalée, le genre qui tâche et laisse de grosses traces d’huile sur le tee-shirt. En effet, Pierre a bien voulu répondre à quelques questions (l’inconscient ! s’il avait su…).

 

 

 

Monde de Matéo (MDM) : Salut Pierre, peux-tu te présenter en quelques mots ?

Pierre Brulhet (PB) : Salut Jean-Pierre, enchanté que de faire cette interview car je garde un excellent souvenir de toi, comme compagnon de tablée, à Dijon, au festival de littérature fantastique "L’Ecrit de la Fée".

Pour me présenter en quelques mots, je dirais que suis né un mois de janvier 1971 à Coutances, dans la Manche, après avoir été conçu au Cambodge. Très vite, je suis parti vivre en Mauritanie, puis en Côte d'Ivoire avec mes parents. À 16 ans, je reviens définitivement en France. Mon Bac en poche, je pars faire mes études d'architecture à Rouen où j’obtiens mon diplôme, en 1998, avec pour sujet de mémoire " une base sur Mars ".

Depuis, je travaille à temps complet dans une agence d'architecture à Paris et mon temps libre est consacré à l'écriture et aux projets d'habitats martiens.

 


MDM : Tu viens de dire que tu as passé une grande partie de ton enfance en Afrique. Ce passé t’influence-t-il dans ton travail d’écriture ? Et si oui, en quoi ? :

PB : Inévitablement, cette enfance en Afrique a influencé, de près ou de loin, mon travail d’écriture. À l’époque (et je pense encore maintenant) la Côte d’Ivoire était un pays où les gens n’avaient rien et pourtant étaient beaucoup plus heureux et optimistes que les français, par exemple, qui à l’inverse ont tout ou presque. Ce manque était compensé, je pense, par un imaginaire incroyable. J’en veux pour preuve ces histoires que l’on se racontait, le soir, avec les "gardiens" (qui surveillaient les villas des coopérants la nuit car les cambriolages étaient monnaie courante à l’époque). Il y avait aussi les "joutes" verbales, remplaçant les bagarres aux poings dont le gagnant était celui qui assenait la dernière réplique ou que l’applaudimètre désignait vainqueur. Une foule joviale assistait à ces combat des mots. Foule dont je faisais bien évidemment partie. Ce fut aussi l’époque où l’on se retrouvait après l’école, le mercredi après-midi et le dimanche, autour d’un scénario western ou S-F style la série TV " Cosmos 1999 ". Sans le savoir, on faisait du Jeu de Rôle / GN bien avant l’heure ! J’en ferai d’ailleurs beaucoup à mon retour en France, surtout pour compenser un certain malaise "d’intégration". Cela m’a permis de développer un imaginaire nécessaire à la structuration d’une histoire. Je me revendique donc comme un ancien rôliste et influencé par ce genre pour la composition de mes récits. Ce fut à mon sens très formateur.

 


MDM : Tu es architecte de métier et l’un des projets sur lequel tu travailles, j’espère ne trahir aucun secret en disant cela, a à voir avec les futures stations Lunaires et Martiennes. Or tes écrits sont à mille lieues de la science fiction pure et dure (on est davantage dans le fantastique et le merveilleux). N’es-tu pas tenté, fort de ce matériel et surtout de cette technicité, d’explorer ce genre-là aussi ?

PB : Je n’ai pas de " genre en particulier ", si ce n’est le fantastique au sens (très) large du terme. Avec mes deux premiers livres publiés, qui parlent surtout de fantômes et d’esprits, on peut vite me cataloguer auteur gothique mais mes prochains écrits évolueront. J’ai un besoin réel de ne jamais écrire la même chose au risque de surprendre mes lecteurs. Mes prochains récits se tourneront vers la Dark Fantasy et j’ai un projet à long terme d’une trilogie de Fantasy. J’aime aussi les univers futuristes et à mes débuts, j’ai écrit plusieurs nouvelles de S-F dont certaines furent publiées. Et il n’est pas exclu que j’écrive un roman d’anticipation dans les prochaines années. Pour moi ça reste cohérent car on est toujours dans le domaine de l’imaginaire. Tout comme pour mon travail d’architecte spatial où je collabore avec des membres (ou anciens membres) du CNES, ESA et parfois même de la NASA, sur des projets de bases habitées martiennes. Mais là, c’est un autre et vaste sujet et si les lecteurs sont intéressés par cette autre facette de ma personnalité, je leur conseille vivement d’aller faire un tour sur mon site consacré à ces recherches (qui sont plus que d’actualité avec le retour des américains sur la Lune puis Mars).





 


MDM : On a dû te le dire mais ton bouquin ressemble beaucoup à celui de Neil Gaiman, "L’étrange vie de Nobody Owens". Sur certains forum, on les compare même (tous deux abordent en effet l’histoire d’un enfant, élevé par des morts dans un cimetière. Certaines scènes sont quasiment identiques comme celle du vote des morts au moment de choisir si l’enfant doit ou non rester parmi eux). Peux-tu donner ta version des faits ?

PB : Très franchement, je ne l’ai pas encore lu le livre de Gaiman donc je ne donnerai pas un avis constructif là-dessus. Il est vrai que j’ai eu plusieurs échos de lecteurs qui m’ont fait part de leur surprise, voire leur trouble à la lecture du roman de Neil Gaiman sorti deux ans après " L’Enfant du Cimetière ". Il semblerait qu’il y ait pas mal de similitudes mais je pense de toute façon que nos livres sont différents et traitent les habitants du cimetière sous des angles divergents. De plus mon livre est conçu comme un conte, assez court, proche de la novella alors que celui de Neil Gaiman est un roman de plus de 300 pages.

Je pense que ces deux histoires peuvent cohabiter et finalement cela prouve une chose : que les auteurs français n’ont pas à être complexé face aux auteurs anglo-saxons dans le genre fantastique et que nous pouvons avoir les bonnes idées avant eux J

 


MDM : Cette histoire est abordée sous la forme d’un "conte". En cela, le style est très accessible et d’une grande fluidité. Ce qui n’empêche pas une explosion narrative liée à la prolifération de rebondissements, s’enchaînant les uns aux autres, tous utiles à l’intrigue. Ce choix d’écrire un conte s’est-il imposé à toi dés le début ou est-il arrivé en cours d’écriture ? Quel public visais-tu en faisant cela ? (si tu en visais un, bien entendu) :

PB : Oui je voulais écrire un conte, un conte gothique en m’inspirant de l’univers cinématographique de Tim Burton car j’ai un style très visuel dans la narration, proche du script. Pour moi, ce livre est magique car je l’ai écrit pour ma fille. J’ai commencé l’écriture du conte au moment où mon épouse est tombée enceinte et je l’ai terminé quelques jours avant son accouchement !

Je pensais au départ toucher un public "ado" mais bien vite, le livre a pris sa liberté et a touché à ma grande surprise un public plus "adulte". J’ai des anecdotes de mères qui ont lu "L’Enfant du Cimetière" puis les enfants, le mari. Bref toute la famille ! Ce qui me touche, c’est le retour très positif du livre et les lecteurs me l’ont fait savoir J

 


MDM : Les personnages de l’architecte et de son adjoint sont pour le moins truculents. On imagine sans peine le grand échalas et son rondouillard associé. Une question cependant. Dans leur description, on est plus proche de l’univers du cimetière que d’une éventuelle " autorité administrative, grise et sans imagination ". Pourquoi ce choix ? Ne crains-tu pas de perdre le lecteur ? Moi-même, je m’attendais à ce qu’ils mènent une mission secrète, à la manière d’agents doubles, que leurs aspirations réelles soient, en fin de compte, toutes autres que celles pour lesquelles ils ont été engagés par la Mairie…

PB : Oh là, je n’avais imaginé cet aspect sous cet angle (rires). Lorsque j’écris, je structure d’abord mon récit, chapitre par chapitre afin de ne pas me perdre et de garder un fil conducteur à l’histoire. Cependant, dans le détail, j’aime me laisser surprendre par les personnages et il arrive qu’ils fassent des choses inattendues ! Ils sont en quelque sorte très vivants et ont leur propre autonomie même si, à la manière d’un Maître de Jeu, je dois régulièrement réorienter leur parcours, juste ce qu’il ne faut pas pour qu’ils s’égarent de la trame de l’histoire. Les architectes de "L’Enfant du Cimetière" ont donc peut-être un peu surpris certains lecteurs.

 


MDM : As-tu d’autres projets en cours ? On dit, dans certains milieux bien informés, que tu devrais sortir une nouvelle aux alentours d’Halloween, dans un fanzine un rien décalé… qu’en est-il exactement ?

PB : Oui, j’ai une rentrée bien chargée, avec la préparation pendant ce mois d’août de mon prochain livre, un roman de Dark Fantasy. En avril 2010 sortira aux éditions du Riez une nouvelle "Le Long Puits", un conte fantastique africain dans "Contes du Monde" un recueil de textes de plusieurs auteurs. Il y aura aussi une nouvelle sur les Fées qui pourrait sortir fin 2010 dans le livre d’un ami consacré exclusivement à ces charmantes créatures (mais là je ne peux en dire plus, le projet est encore trop récent). Et le 22 octobre 2009, une courte nouvelle S-F (écrite en 1999 mais jamais publiée) sortira dans le N°1 du fanzine FREAKS spécial Halloween que je recommande chaudement à tous.

 


MDM : Où pourra-t-on te croiser prochainement ? En dehors des cimetières que tu sembles hanter avec une certaine délectation…

PB : Le 12 septembre, je ferai une dédicace avec les auteurs Céline Guillaume et Jacques Sirgent. Ce sera justement dans un bar à proximité du cimetière Père-Lachaise, "Au rendez-vous des Amis" avenue du Père-Lachaise, à 100 mètres de l'entrée du cimetière située rue des Rondeaux (Métro Gambetta, ligne Levallois-Gallliéni) de 15h à 16H30, puis visite du cimetière Père-Lachaise en présence de Jacques Sirgent, propriétaire du Musée des Vampires.

 

D'accord... Je vois le genre... N'oubliez donc pas vos gousses d'ail si vous comptez vous y rendre. Et grand merci à toi, Pierre, de t'être prêté à ce petit jeu !

 

 

Les liens indispensables pour en savoir plus :

 


Myspace de l’auteur :

www.myspace.com/pierrebrulhet 

 

 

Site dédié à l’auteur et à sa production :

www.pierre-brulhet.com 

 

 

Site d'architecture Martienne :

www.archi-espace.com

 

 

 

Titre : L’enfant du cimetière

Auteur : Pierre Brulhet

Editeur : Lulu.com

Prix : 12.00 €

137 pages.

 

 

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