Marcos... la suite.
Merci Marie-F pour ton commentaire qui en appelle bien évidemment d’autres, comme tu peux t’en douter. Effectivement, Marcos est un personnage fascinant et j’aurais tendance, à l’instar de tes copains, à considérer que si l’homme a une face cachée (comme chacun de nous, soit dit en passant) il n’en demeure pas moins séduisant (même s’il écrit de lui, dans ce petit bouquin qui se lit avec un sourire aux lèvres (et quelques aigreurs à l’estomac), que Marcos est lesbienne car il aime les femmes mais qu’il est tellement moche qu’il devra se faire opérer s’il compte s’en faire aimer d’une). L’homme a de l’humour et du style. Ce livre (que j’ai littéralement dévoré), dresse un tableau bien sombre du Mexique (surtout de sa classe politique ultra corrompue et ultra violente) mais attachant (les losers magnifiques sont ici aussi légion mais ont, en plus, cette petite touche de poésie supplémentaire qui donne du bonheur à ceux qui les découvre). Le livre dont tu parles (voir commentaire de l’article " le sous commandant Marcos prend la plume " ici même) me fais penser à ces écrits genre " Mitterrand et les quarante voleurs " qui tentent de démonter le personnage à coups de révélations soi-disant sensationnelles par pur plaisir et ambition. Evidemment que Marcos n’est pas un saint. Mais il a le tact de le savoir et d’être le premier à s’en moquer. Evidemment, il ne possède pas la vérité, mais une vérité (celle qui concerne les gens qu’il défend, ce qui est largement suffisant dans le cas présent). Cet homme, malgré ce que certains peuvent en dire ou en penser a le courage de vivre un enfer pour défendre des indiens dont tout le monde se moque, dans l’une des régions du monde les plus pauvres (bien qu’étant l’une des plus riche en terme de pétrole, bois, ressources naturelles… ceci expliquant sans doute cela). Il prône l’absence de culte de la personnalité (ce passe-montagne) et l’absence d’ambition personnelle (ce titre, sous-commandant !). Et c’est justement cela qui n’est pas compris ici (ici, je veux dire en France, en occident). Comment un homme, intelligent et saint d’esprit peut-il se lancer dans une guerre qui n’en porte pas le nom sans ambitions personnelles ni intérêt particulier ? Voilà quelque chose que le bon vieil occidental ne peut pas comprendre, tout simplement parce qu’il n’est pas formaté pour cela. Parce que quelqu’un de désintéressé ça n’existe pas. Ce type là cache forcément quelque chose ! Et bien non, il ne cache rien (ou alors c’est le plus grand sado-maso que la terre ait jamais porté !). Ce type là donne de l’espoir. De l’espoir en l’homme et ils sont suffisamment peu nombreux dans ce cas là pour le souligner.
Et l’admirer.
Le livre, revenons-y à présent. Grand moment de bonheur. Bien foutrarque (mais c’est Mexicain, alors ça part dans tous les sens). Les passages signés Paco Ignacio Taïbo II sont bons (pléonasme quand il s’agit du bonhomme) mais ceux signés Marcos (justement) c’est rien que du bonheur. C’est drôle, attachant, bien foutu. Mine de rien, il dénonce le régime en place (et tous ceux qui l’ont précédé) avec ce qu’il faut d’arguments, de preuves et de noms pour rendre la chose ahurissante (et flippante, sacrément flippante). L’air de rien, il dénonce et pose les bonnes questions. Par exemple, savoir si le mal est généralement en haut, à droite, cela veut-il dire que le bien est forcément en bas, à gauche ? Et le Mal, d’abord, qu’est-ce que c’est :
" On sait bien que l’assassin revient toujours sur la scène du crime, tout simplement parce que la scène du crime, c’est lui. L’assassin est le système. Oui, le système. Lorsqu’il y a crime, il faut chercher le coupable en haut, pas en bas. Le système, c’est le Mal, et les Méchants sont ceux qui sont au service du système.
Mais le Mal n’est pas une entité, un démon pervers et maléfique à la recherche de corps à posséder pour en faire des instruments des maux, des crimes, des programmes économiques, des fraudes, des camps de concentration, des guerres de religion, des lois, des procès, des fours crématoires, des chaînes de télévision.
Non, le Mal est une relation, une façon de se positionner face à l’autre. C’est aussi un choix. Le Mal c’est de choisir le Mal. Choisir d’être le Méchant face à l’autre. Se transformer volontairement en bourreau. Et transformer l’autre en victime. "
Tu vois, MF, cet homme là ne se pose pas en leader, il dresse seulement des constats. Après, libre à chacun d’en penser ce qu’il voudra.
Amitiés,
JP